VERVIERS - BATTICE/HERVE
CHRONIQUE D’UNE LIGNE MAUDITE
Déjà, lors de la construction du chemin de fer Liège/Chênée–Battice (1869-1875), les patrons charbonniers du Plateau de Herve réclamaient le prolongement jusque Verviers, à cette époque centre lainier important et prospère. Quatre ans plus tard, en 1879, la voie est posée jusque Dison, et en décembre de la même année la jonction avec la cité lainière est chose faite. Pour rattraper une différence d’altitude de plus de 150 mètres, le tracé ferroviaire d’à peine 9,2 km (entre bifurcations) accuse une rampe presque continue de 17 à 20 pour mille, gares exceptées, et compte ainsi parmi les lignes les plus escarpées du réseau d’alors. A Verviers, les trains ont leur terminus à la gare principale de l'époque, devenue Verviers-Ouest par après. |
Or, dès 1895, c’est un autre débouché, réclamé depuis longue date, qui s’ouvre enfin aux charbonnages du plateau, suite au prolongement de l’antenne Battice–Aubel jusque Bleyberg/Plombières et son industrie de non-ferreux (plomb et zinc). A tel point que le trafic ferroviaire sur cette nouvelle relation va supplanter celui vers Verviers.
Au lendemain de la Première Guerre, lorsque le réseau de cette région est redessiné, une ligne directe 39 (par après 38) Liège/Chênée–Battice–Plombières (ex-Bleyberg) voit le jour, reléguant la descente vers Verviers au rang des antennes secondaires sous le numéro 39B, qui par après deviendra 39A (voir la note en bas de page). Deuxième coup dur lorsqu’au cours des années 30 un service d’autobus parallèle Verviers-Herve est créé. Les bus sont fréquents, l’exploitant influent, et la SNCB laisse faire. Le trafic périclite, et vers la fin de la décennie, la gare de Dison devient simple dépendance. Pas étonnant vu la concurrence du bus, mais peut-être encore plus du tram urbain au service très intensif entre cette cité industrielle fort peuplée et le centre-ville. Début 1940, le service des voyageurs est réduit de 6 à 3 aller-retours journaliers. Le coup de grâce tombe à peine quelques mois plus tard, au début des hostilités, lorsque la ligne 39A est interceptée à hauteur du fort de Battice, point de mire des attaques ennemies. |
Au lendemain de la guerre, ces dégâts ne sont pas réparés. Néanmoins, le trafic reprend, mais uniquement pour les marchandises et donc au départ de Verviers-Ouest. Il reste toutefois limité à une usine de déchets textiles, peu au-delà de Dison, cette fois sous le numéro 37A, et ce jusque vers 1961. En juillet 1962 déjà, les rails ont disparu. Et pour cause, car la décision est prise de construire l’autoroute Battice–Verviers en plein sur les emprises ferroviaires! Et donc, dès 1963, les excavatrices se mettent à l’oeuvre. La plate-forme abandonnée est rasée, les ouvrages d’art systématiquement détruits, les bâtiments de service un à un démolis – un spectacle par moments hallucinant et une lente agonie qui ne sera scellée que vers le milieu des années 70. Trois gares, quatre tunnels, cinq grands viaducs, un grand nombre de ponts et de passages supérieurs, tous prévus pour la double voie: rien de tout cela ne subsiste aujourd’hui.
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Dès lors, vouloir partir à la recherche de ce tracé fantôme, près d’un demi-siècle après sa disparition, c'est tout sauf évident. Et pourtant, c'est ce que nous avons fait, patiemment, méticuleusement, D'abord en reconstituant le tracé disparu sur la base de cartes topographiques et de cartes-vue postales de l’époque. Ensuite en allant l’explorer sur place, section par section, là où les terrassements autoroutiers le permettent. A quoi bon, nous dira-t-on. Mais rien déjà que ces quelques trouvailles totalement inattendues rencontrées sur le terrain justifiaient à elles seules ce travail de bénédictin. Sans oublier l'intense satisfaction de pouvoir ainsi (re)découvrir ce patrimoine qui reste grandiose, même disparu.
DE VERVIERS A LAMBERMONT
A l'origine tous les trains pour Verviers et au-delà convergaient vers la première gare de la ville, en cul-de-sac, qui plus tard deviendra Verviers-Ouest. Gare imposante et installations ferroviaires à la hauteur de ce centre lainier important et prospère. Ce n’est qu’au lendemain de la première guerre que Verviers-Central, gare de passage cette fois, prit le relais comme gare principale pour les voyageurs, laissant à la ‘Gare de l’Ouest’ le centre douanier et les marchandises.
Il n'en alla pas autrement pour la ligne dite de Herve, ligne secondaire par excellence. Et c'est donc ainsi qu'au lendemain de la dernière guerre, après l'abandon du trafic voyageurs, Verviers-Ouest restera son unique tête de ligne, jusqu'à la fin.
A l'origine tous les trains pour Verviers et au-delà convergaient vers la première gare de la ville, en cul-de-sac, qui plus tard deviendra Verviers-Ouest. Gare imposante et installations ferroviaires à la hauteur de ce centre lainier important et prospère. Ce n’est qu’au lendemain de la première guerre que Verviers-Central, gare de passage cette fois, prit le relais comme gare principale pour les voyageurs, laissant à la ‘Gare de l’Ouest’ le centre douanier et les marchandises.
Il n'en alla pas autrement pour la ligne dite de Herve, ligne secondaire par excellence. Et c'est donc ainsi qu'au lendemain de la dernière guerre, après l'abandon du trafic voyageurs, Verviers-Ouest restera son unique tête de ligne, jusqu'à la fin.
Gérard-Champs - Vue d'ensemble de la boucle de Verviers Ouest (extrême droite) à Lambermont et au-delà, avec la double voie d’origine (ligne 37) à l’avant-plan. A droite de la cheminée de gauche, le viaduc des Clarisses, suivi de la halte de Lambermont et de la tranchée rocheuse vers Béribou. Au fond, à gauche du clocher de l’église St-Hubert, la paroi rocheuse précedant le tunnel de Hodimont (photo Verviers Ville Lainière).
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De Verviers-Ouest à la halte de Lambermont (ca. 2,25 km) le train traversait le fond de la vallée de la Vesdre en un grand lacet à 180°, à l'image de la grande boucle de la Vesdre à cet endroit. Au départ, il empruntait d'abord l'ancienne ligne principale jusqu'à l'actuelle ligne 37 vers Liège, près de Gérard-Champs, juste avant le tunnel d'Ensival. C'est à cet endroit – la 'bifurcation de Herve' en jargon ferroviaire – que la ligne 39A proprement dite (par après 37A) se détachait pour achever la boucle avant de filer tout droit vers le nord - voir à ce sujet l'extrait de la carte et l'exceptionnelle vue panoramique ci-devant.
Après le démontage, début 1962, un courte portion de voie resta en service au-delà de la bifurcation comme tiroir de manoeuvres. Celui-ci disparut à son tour avant la fin des années 60, tout comme la double bifurcation avec la branche de Verviers-Ouest qui fut complètement rasée pour la construction du raccordement à la nouvelle autoroute - la gare marchandises restant toutefois accessible depuis Verviers-Palais, par le premier tunnel de la Chic-Chac, jusqu'en 1992.
Pourtant, le site de la bifurcation de Herve près du tunnel d'Ensival existe toujours, aisément repérable, tout comme une partie de la boucle ferroviaire du Heid des Fawes, et ce malgré les travaux d'élargissement et de rehaussement de la Rue Grand'Ville. La paroi rocheuse au pied de la colline reste donc bien visible de nos jours, ainsi que la majeure partie de la plate-forme ferroviaire, sur 150 mètres environ, avant de se voir absorbée par l'autoroute peu après.
Heid des Fawes - aujourd'hui la Vesdre a disparu mais la plate-forme le long de la Rue Grand'Ville existe toujours (vue ci-contre, le 14 décembre 2015)
Au-delà, plus la moindre trace des deux ponts précédant le viaduc à trois arches traversant la Vesdre, dont celui à tablier métallique au-dessus de la Rue Grand'Ville au trafic déjà bien fourni à l'époque. Et pour cause, puisque l'autoroute et la Rue Grand'Ville rectifiée ont littéralement enseveli l'ancienne ligne de Herve, causant à cette occasion le comblement de la grande boucle de la Vesdre autour de l'Ile Adam, rectifiée à la même époque (vue ci-après).
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Au-delà du viaduc, détruit lui aussi, la voie ferrée abordait une forte rampe de 20 pour mille, juchée sur un haut remblai et longeant ensuite le couvent des Clarisses avant d'atteindre la masse solide d'un second viaduc à trois arches, passant au-dessus de la Rue Entre les Ponts et de la ligne de tram n°1 vers Ensival et Pepinster.
Immédiatement après, dès la sortie du viaduc, se trouvait la petite halte de Lambermont, distante d’à peine 500 mètres à vol d’oiseau de Verviers-Ouest. Située au bout de la Rue de la Halte, en impasse, elle était cependant accessible depuis l'arrêt du tram par un escalier sous la troisième arcade du viaduc. Tout cela a été rasé pour céder la place à l'autoroute, bien que l'escalier ait été reconstruit, en plein sous l'ouvrage routier actuel.
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La ligne de Herve ne fut pas la seule à faire les frais de tous ces bouleversements. Aux Clarisses, les voies du tram ne survécurent pas non plus. Ainsi, au printemps 1969, alors que les grands travaux battaient leur plein, le tram ne dépassait déjà plus l'embouchure de la Rue Fernand Houget, face à l'ancienne Gare de l’Ouest - avant de disparaître complètement à la Saint-Sylvestre, dernier jour des tramways verviétois.
C'est d'ailleurs tout le voisinage de la Rue Entre les Ponts (les deux ponts sur la Vesdre) qui se vit défiguré par cet immense chantier. Ainsi, le couvent des Clarisses et bon nombre d'habitations furent complètement rasés et le cours de la Vesdre rectifié à cet endroit. Depuis, la presque totalité des 1300 mètres du grand méandre autour de l'Ile Adam a été comblée, ne laissant à hauteur du couvent disparu qu’un plan d'eau récemment encore réduit de moitié, englobé dans un ensemble récréatif mais toujours agrémenté du vrombissement incessant du trafic routier voisin. De l'autre côté du chemin de fer devenu autoroute, sur l'ancienne rive gauche, il ne reste que le Quai de la Vesdre comme dernier témoin de la rivière comblée. Par contre, l'escalier d'accès à la halte de Lambermont a été reconstruit sous le viaduc (celui de l'autoroute), pour aboutir à la Rue de la Halte toujours sans issue, sauf pour les piétons. Quai de la Vesdre, Plan d’eau des Clarisses, Rue de la Halte… Il n'y a plus que ces quelques noms pour évoquer cet environnement disparu il y a près d'un demi-siècle déjà. |
DE LAMBERMONT A DISON
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Au-delà du viaduc des Clarisses l’autoroute s’écarte progressivement du tracé ferroviaire, visiblement pour éviter la Rue Pisseroule, mais peut-être encore plus pour couper ainsi la courbe assez serrée précédant la gare de Dison. Pouvons-nous en déduire que la section Lambermont-Dison avec ses deux tunnels et deux grands viaducs a miraculeusement échappé au désastre? Hélas, peine perdue, car hormis ladite courbe il n’en reste pour ainsi dire plus rien! C’est en tout cas l’opinion qui prévaut un peu partout. Ce qui ne nous a pas empêché de partir à la recherche de toute trace quelque peu visible de cet ancien tracé ferroviaire, mais aussi de la plate-forme ferroviaire elle-même, là où c’est encore faisable, n’importe l’état dans lequel elle se trouve à l’issue de la table rase d'il y a près d’un demi-siècle déjà. |
De Lambermont à Béribou et Hodimont
Dès la halte de Lambermont le chemin de fer passait dans une profonde tranchée rectiligne aux parois rocheuses quasi verticales (vue ci-devant), longue de 400 mètres, avant d’amorcer une large courbe à hauteur du lieu-dit Béribou (entre la Vesdre et la colline) tout en passant sous la Route de Hodimont dévalant depuis les hauteurs de Lambermont et de Pétaheid. Une nouvelle ligne droite, taillée dans le roc à flanc de colline et surplombant les toits de Hodimont, tout en offrant un beau panorama de Verviers, nous menait à un majestueuex viaduc à cinq arches traversant le vallon du Ruisseau de Pétaheid (ou de la Balaine), suivi de peu par un tunnel de 409 mètres creusé à travers une autre colline, celle qui domine l'ancienne commune de Hodimont.
Dès la halte de Lambermont le chemin de fer passait dans une profonde tranchée rectiligne aux parois rocheuses quasi verticales (vue ci-devant), longue de 400 mètres, avant d’amorcer une large courbe à hauteur du lieu-dit Béribou (entre la Vesdre et la colline) tout en passant sous la Route de Hodimont dévalant depuis les hauteurs de Lambermont et de Pétaheid. Une nouvelle ligne droite, taillée dans le roc à flanc de colline et surplombant les toits de Hodimont, tout en offrant un beau panorama de Verviers, nous menait à un majestueuex viaduc à cinq arches traversant le vallon du Ruisseau de Pétaheid (ou de la Balaine), suivi de peu par un tunnel de 409 mètres creusé à travers une autre colline, celle qui domine l'ancienne commune de Hodimont.
Panorama exceptionnel de la ligne de Herve, pris depuis la Rue Belle-Vue, avec à hauteur de Béribou le pont de la Route de Hodimont,
et au loin le grand viaduc précédant de peu le tunnel de Hodimont (portail sud visible au loin).
et au loin le grand viaduc précédant de peu le tunnel de Hodimont (portail sud visible au loin).
Retour au viaduc des Clarisses et la halte de Lambermont.
Celui-ci fut démoli pour céder la place à l’ouvrage autoroutier, beaucoup plus long (700 mètres environ jusqu’à l’échangeur de Lambermont, près de Béribou) mais aussi plus escarpé que le chemin de fer puisque l'autoroute devait passer au-dessus de cette même colline que traversait plus bas le tunnel de Hodimont. Effectivement, au bout de la Rue de la Halte on constate que l’autoroute a déjà pris de la hauteur vis-à-vis de l'ancien chemin de fer et du site de la halte disparue.
Celui-ci fut démoli pour céder la place à l’ouvrage autoroutier, beaucoup plus long (700 mètres environ jusqu’à l’échangeur de Lambermont, près de Béribou) mais aussi plus escarpé que le chemin de fer puisque l'autoroute devait passer au-dessus de cette même colline que traversait plus bas le tunnel de Hodimont. Effectivement, au bout de la Rue de la Halte on constate que l’autoroute a déjà pris de la hauteur vis-à-vis de l'ancien chemin de fer et du site de la halte disparue.
L'autoroute a pris la place du viaduc démoli (vue de gauche), mais n'a pas empêché la reconstruction de l'escalier vers la Rue de la Halte,
où le viaduc autoroutier passe bien au-dessus du site de la halte de Lambermont (vue de droite) (14 décembre 2015).
où le viaduc autoroutier passe bien au-dessus du site de la halte de Lambermont (vue de droite) (14 décembre 2015).
Panorama du tracé ferroviaire SOUS le viaduc autoroutier, vu depuis l'ancienne Gare de l'Ouest - les monticules à droite sont ce qui reste de la paroi rocheuse côté Vesdre - ci-contre et ci-après plusieurs vues de l'ancien tracé prises sous le viaduc... (30 décembre 2015)
En y regardant de plus près nous avons finalement découvert que, peu au-delà, le tracé ferroviaire existe toujours et se prolonge sous le viaduc autoroutier sur 350 mètres environ, jusque Béribou. Tout au long, les lourds piliers du viaduc ont été plantés de part et d’autre, voire même sur la plate-forme ferroviaire élargie, rehaussée par endroits et asphaltée assez sommairement sur toute sa longueur. Or, comme à l'époque des travaux la paroi rocheuse côté Lambermont a dû être rognée et celle côté Vesdre a même en partie disparu, la tranchée ferroviaire n’est pas de suite reconnaissable comme telle, sauf dans la dernière partie du parcours, à l'approche de Béribou (vues ci-devant et ci-après), où les monticules sont tout ce qui reste de la paroi côté Vesdre.
Plus d'un siècle séparent ces deux vues, prises depuis, ou à hauteur du pont disparu de la Route de Hodimont (aujourd'hui Rue des Combattants). Repérables sur chacune, le château Nyssen-Dehaye (à gauche) et, au milieu, l'extrémité de la paroi rocheuse côté Vesdre le long de l'ancien tracé.
Le reste à disparu. La vue de gauche date de 1905 (collection Gardier, dans "La Ligne 38"), celle de droite du 30 décembre 2015.
Ci-après le passage piétonnier - sous le talus, à gauche de la locomotive (vue de 1905) - et le pont de la Route de Hodimont (auteur inconnu)
Le reste à disparu. La vue de gauche date de 1905 (collection Gardier, dans "La Ligne 38"), celle de droite du 30 décembre 2015.
Ci-après le passage piétonnier - sous le talus, à gauche de la locomotive (vue de 1905) - et le pont de la Route de Hodimont (auteur inconnu)
Par contre, plus la moindre trace de la courbe de Béribou, ni du pont de la Route de Hodimont (rebaptisée Rue des Combattants). Il n’est pourtant pas exclu que l’étroit passage piétonnier sous le talus du chemin de fer, juste avant le pont, ait été purement et simplement enseveli lors des travaux de l’échangeur autoroutier.
Ce n’est qu’au-delà de la courbe disparue, sur 125 mètres environ, que nous retrouvons le tracé ferroviaire, perché bien haut au bord de la falaise rocheuse, ou du moins ce qu’il en reste après le passage des excavatrices: un étroit rebord dont la largeur atteint à peine 2-3 mètres par endroits. Mais cela suffit amplement pour se faire de là-haut un idée précise de cette belle vue plongeante sur Hodimont et la ville basse depuis un train en passage…
Béribou/Hodimont - reconstitution de l'ancien tracé ferroviaire surplombant l'actuelle Rue des Combattants (3 janvier 2004)
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Point de viaduc hélas, au bout de ce tracé-rebord, mais tout au plus un trou béant, aujourd’hui boisé mais ne ressemblant en rien au vallon disparu, ni au début de cette grande propriété dont le château n'a pas été démoli, mais enseveli sous cette énorme masse de terre et de gravats supportant aujourd'hui l'autoroute fatidique. Pas démoli non plus, ce majestueux viaduc à cinq arches, mais tout simplement… dynamité, même si dans leur hâte les démolisseurs ont oublié un pan du mur de soutènement au pied de l’actuelle Rue Pierre Fanchamps! Cette pauvre relique, à peine reconnaissable, nous permet toutefois de situer exactement l’emplacement du viaduc disparu, mais aussi du portail sud du tunnel de Hodimont tout proche, quoique enseveli sur le flanc de la colline que longe la Rue Fanchamps. Là derrière le tunnel existe toujours, mais nous présumons qu'il fut comblé de bout en bout…
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Le Val Fassotte
Le Thier de Hodimont, la Rue du Bois, le Thier de Mont et autres rues en forte pente (près de 15 pour cent) jalonnent de part et d’autre la vallée encaissée qui traverse Dison. Ainsi, la montée de la Rue du Bois s’avère des plus ardues, surtout à pied. Jusqu’au moment où survient ce replat plutôt inattendu, gardé par une maisonnette blanche d'apparence nettement ferroviaire.
La maisonnette rescapée dominant de bien haut la Rue du Bois depuis la plate-forme de l'ancien passage à niveau
(14 décembre 2015 et 30 mars 2012)
(14 décembre 2015 et 30 mars 2012)
C'est ici que la ligne de Herve et la voie publique se croisaient à niveau et de biais, du coup le premier passage à niveau de la ligne depuis Verviers. Cet endroit très particulier se trouve encastré dans un vallon aux parois fort raides où s'ouvraient jadis les bouches béantes de deux tunnels en parfaite ligne droite et distants d'à peine 100 mètres l'un de l'autre. Quant à leurs portails bien larges, ceux-ci étaient visiblement prévus pour un dédoublement de la voie qui cependant n’interviendra jamais.
De part et d'autre de la maisonnette du passage à niveau: le portail sud du Tunnel de la Pisseroule (72 m)(photo Héroufosse, collection G.Lejeune), et en face le portail nord du Tunnel de Hodimont (409 m)(auteur inconnu, collection A.Schröder).
Immédiatement après, en plein virage de la Rue du Bois (voir plan ci-après), on tombait sur une deuxième maisonnette, plus étroite que la première et perpendiculaire à la voie ferrée qu'elle surplombait.
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Sur la vue de gauche, prise depuis la colline surplombant le portail du tunnel de Hodimont, nous découvrons la plaine de jeux du Val Fassotte et la deuxième maisonnette. Sur la vue de droite, ce même portail, que nous apercevons dans le coin gauche, en contrebas de la 2e maisonnette (document collection A.Schröder).
Reconstitution du site ferroviaire du “Val Fassotte” d’après maquette.
Prise de vue du haut du portail (disparu) du Tunnel de la Pisseroule. Distances conformes, dimensions approximatives, se rapprochant au plus près des structures de l’époque (voir plan ci-contre). A l’avant-plan: le passage à niveau (disparu) flanqué de sa maisonnette qui existe toujours. A l’arrière-plan: la deuxième maisonnette surplombant le portail nord du tunnel de Hodimont (tous deux disparus). |
Ce site ferroviaire avec son passage à niveau et ses deux maisonnettes coïncées entre deux tunnels est un cas unique sur le réseau Belge. Mais hélas, pas la peine de chercher. Disparus les rails et la signalisation, disparus aussi les deux portails, alors que leurs tunnels respectifs, toujours présents, ont chacun été entièrement comblés. Du portail de gauche (Hodimont) plus la moindre trace sur le flanc de colline escarpé et aujourd’hui boisé, pas plus que de la maisonnette surélevée à ses côtés (vue ci-contre pendant les travaux, doc. 'La ligne 38'). Le portail de droite (Pisseroule), que nous gageons démoli lui aussi, est depuis colmaté par le haut talus de la Rue du Val Fassotte, créée afin de supplééer à la Rue du Bois, trop étroite et trop escarpée.
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Le terrain de sports et de jeux du Val Fassotte, datant des années 20 du siècle passé et situé peu au-delà, a disparu lui aussi, enseveli sous l'énorme masse de terre et de gravats produits par les travaux de l’E42 toute proche (vue ci-devant). Seule rescapée de ce site remarquable, la maisonnette du garde-barrières continue par contre de défier le fil du temps. Récemment repeinte, elle est aujourd’hui un des trop rares témoins visibles de ce tracé ferroviaire disparu à tout jamais.
Mais pourquoi donc deux maisonnettes à cet endroit-là? Celle du garde-barrières tombe sous le sens. Quant à sa soeur presque jumelle mais plus étroite, gageons qu’elle fut en son temps celle du garde des tunnels, fonction révolue depuis bien longtemps déjà. Toutefois, cette dernière ne fut démolie que lors des terrassements pour l’autoroute toute proche, simultanément aux deux portails voisins, sans que cela n’explique pourquoi la première maisonnette, distante d’à peine 30 mètres, échappa à la pioche des démolisseurs. Ni pourqoi l’on jugea absolument nécessaire de détruire de fond en comble le reste de ce site, pourtant largement hors de portée de l’autoroute fatidique. |
Le passage à niveau du Val Fassotte était le seul endroit où l’on pouvait observer cette belle ligne droite de 900 m, de Béribou à la Pisseroule. Alors qu'à travers les 409 mètres du tunnel de Hodimont on apercevait au loin le cercle lumineux de l’entrée sud, c'est en face, au-delà des 72 mètres du tunnel de la Pisseroule, que l'on pouvait nettement distinguer la légère courbe du grand viaduc qui lui succédait. |
Là, c'est en vain que nous avons arpenté la colline, côté nord, cherchant la moindre trace de ce court tunnel, nous faisant supposer que son portail a été démoli. Or, comme le site a été soigneusement comblé, tout comme les deux souterrains, il est impossible aujourd’hui de localiser cette embouchure avec précision.
Et puis, juste après, sur près de 140 mètres, ce majestueux viaduc en maçonnerie de la Pisseroule, sans conteste le fleuron de la ligne de Herve. D'une hauteur de plus de 15 mètres, il dominait tout le voisinage. Ainsi, depuis le balcon avant du tram 2 vers Dison on le découvrait de bien loin déjà, tout au bout de la Rue Pisseroule. Jusqu’au moment où, étant sur le point de se voir fouler ses pieds, d’un coup il vous échappait, glissant derrière les habitations où il gardait jalousement le secret de ses arcades. Pour pouvoir les compter - il y en avait huit! - il fallait passer par derrière pour une solide grimpette sur le flanc de la colline, ce qui lui faisait perdre toute sa majesté. Nous n’avons jamais compris pourquoi un tel ouvrage devait succomber sous la pioche des démolisseurs, alors que l’autoroute fatidique devait passer bien au-delà!
Cette magnifique construction clôturait une belle enfilade d’ouvrages d’art, deux tunnels et deux grands viaducs sur 1200 mètres à peine, de Béribou à la Pisseroule. Ce tracé comptait parmi les plus spectaculaires du réseau de l'époque, passant bien haut au-dessus des usines et des habitations, avec de larges vues sur Verviers, Hodimont, Andrimont et, bien-sûr, tout le quartier de la Pisseroule.
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Au-delà du viaduc disparu, l'ancien tracé ferroviaire - toujours bien haut perché au-dessus de cette longue Rue Pisseroule - a survécu à la table rase tout au long des 350 mètres de la courbe précédant la gare de Dison. Au début, pendant les années 70, c'était un chemin de promenade agréable mais assez reculé. Ce qui explique peut-être pourquoi au fil des ans il servit de plus en plus comme dépotoir, clandestin ou non, à tel point qu’aujourd’hui il est complètement laissé à l'abandon. Malgré les ronces et les broussailles obstruant la plate-forme ferroviaire, il est encore possible de le suivre, mais non sans peine, et ce jusqu’aux abords de l’Avenue du Jardin Ecole. |
Là, l'ancien tracé est toujours visible, quoique envahi (photos ci-devant, le 30 mars 2012), alors que le site du pont - que nous présumons démoli - a été entièrement comblé. Pourtant, cet ultime vestige de la ligne disparue ne demande qu'à être réhabilité. Et pourquoi pas comme partie intrégrante d'un circuit de randonnée urbaine?
La gare de Dison
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Fin 1972, imposante et visible de loin, la gare était toujours debout et servait de dépôt pour les travaux publics communaux. On pouvait déjà espérer qu’il en resterait ainsi. Las! Quelques années plus tard elle disparut à son tour, ultime victime sacrifiée au nom de la table rase autoroutière.
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Aujourd’hui c'est la maison de repos Le Couquemont qui a pris sa place. Ce nom évoque la rue étroite et fort escarpée montant de la Rue Pisseroule jusqu'à ce qui fut le plateau de la gare. De cette petite place toujours restée tranquille il ne reste que la rangée de maisons côtoyant l'ancien pont (vue ci-après, le 14 décembre 2015).
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Là-derrière par contre, l’emplacement ferroviaire fut considérablement rehaussé afin de permettre une jonction directe entre la Rue de la Station et la Rue du Jardin Ecole, jonction établie sur le site même de l'ancien pont.
Cette nouvelle artère sonna toutefois le glas de la partie supérieure de la Rue de la Station, peu avant l'esplanade de la gare - en fait une sorte de viaduc à trois grandes arches accolé à la gare marchandises.
Cet ouvrage bien singulier (vue ci-contre) ne fut démoli qu'au début de ce 21e siècle et ensuite remplacé par un exemplaire en béton d'allure 'plus moderne', au pied de la maison de repos du Couquemont (vue ci-après) qui l'utilise aujourd'hui comme aire de stationnement. |
Deux vues panoramiques du site de la gare, prises depuis le Thier de Mont
à gauche, bien visible sur la vue d'époque, le 'viaduc' du haut de la Rue de la Station - à droite, l'ouvrage en béton qui l'a remplacé, au pied de la maison de repos sur l'emplacement de la gare, toujours conforté par le haut mur de soutènement d'origine (4 juin 2017).
à gauche, bien visible sur la vue d'époque, le 'viaduc' du haut de la Rue de la Station - à droite, l'ouvrage en béton qui l'a remplacé, au pied de la maison de repos sur l'emplacement de la gare, toujours conforté par le haut mur de soutènement d'origine (4 juin 2017).
L'ensemble du site reste cependant dominé par la façade insolite de la “Fabrique de Chaussures Crutzen & Fils”, vestige bien réel d’une époque néanmoins lointaine et révolue.
Et pourtant! En suivant la Rue des Auris élargie à la rencontre de l’E42 qui rejoint et engloutit l'ancien tracé ferroviaire on remarqera sur la gauche une bande de terrain en surplomb, assez étroite et d’une bonne centaine de mètres. C'est le dernier vestige visible de l'ancien emplacement ferroviaire, à hauteur du Km.30, là où se situait la halle 'marchandises' - bout de terrain aujourd'hui récupéré pour le service des travaux publics de la commune, une fois de plus! |
DE DISON A CHAINEUX
La Rue des Auris passe sous l’autoroute, alors que celle-ci reprend tous ses droits sur l’ancien tracé ferroviaire. Ne cherchez plus d’autres vestiges, il n’y en a pas. A cet endroit précis, un passage à niveau – le deuxième – menait à la cité de Husquet, tandis que la voie ferrée, elle, passait sur un viaduc au-dessus de la Rue Léopold avec la ligne du tram 2 vers Petit-Rechain. De ce viaduc de près de 90 mètres, seule la belle arche médiane était visible depuis la chaussée.
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(1) gare marchandises
(2) PN vers Husquet (3) viaduc Rue Léopold (4) Tunnel de Dison (5) mur de soutènement (6) pont Rue du Vivier Côté gare, trois arches se blotissaient entre les maisons. De l'autre côté, deux autres arches (voire trois) surplombaient la cour de récréation de l’Ecole des Frères voisine.
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Dison - le tram venant de Rechain sur l'évitement de la Rue de Husquet (photo R.Temmerman, coll.Railations), peu avant le viaduc ferroviaire dont la belle arche médiane surplombait la Rue Léopold, là où passe aujourd'hui l'autoroute
Juste au-delà du viaduc la ligne de chemin de fer s’engouffrait dans le Tunnel de Dison (114 mètres), creusé dans la colline derrière l’église St-Fiacre. Au lendemain de la guerre de 14-18 une grande statue du Sacré-Coeur y fut placée, juste au-dessus du tunnel. De là l’appellation “Tunnel du Sacré-Coeur” souvent donnée par les gens de l’endroit à la galerie passant en-dessous.
Côté gare, le portail du tunnel n’était visible que depuis le passage à niveau de Husquet. Pour le portail nord, il fallait suivre la Rue du Vivier, puis le chemin de campagne vers Bonvoisin passant sous la voie ferrée avant de la longer. De là, on apercevait de loin l'embouchure du tunnel au fond d’une tranchée très ombragée, creusée à flanc de colline et confortée par un mur de soutènement assez imposant, dans le prolongement de l'ouvrage. C'est vers la mi-1963 que le tunnel fut détruit, lorsqu'une gande partie de la colline fut rasée pour permettre le passage de l'autoroute. Un spectacle hallucinant, tronçonnant en plein le centre de Dison pour lui inculquer cette nouvelle infrastructure. Comme si cela ne suffisait pas, les rues principales déjà fort étroites eurent à avaler un flux de trafic supplémentaire provenant de l’actuelle E42, provisoirement limitée à cet endroit. Ce n’est que vers 1970 que celle-ci se vit enfin prolongée en direction de Verviers. Quant au Sacré-Coeur, enlevé avant le début des travaux, il fut replacé par après, sur le restant de la colline éventrée.
** Le collage photographique ci-contre évoque le plus fidèlement possible le site du portail nord du Tunnel de Dison et fut réalisé avec le portail sud (Dison), le mur de soutènement de Prayon (ligne 37) et le site ferroviaire du tunnel de Tornac, dans le Gard (Midi de la France). |
En suivant l'autoroute vers Chaineux, on remarquera que celle-ci épouse fort fidèlement le tracé ferroviaire qu’elle a accaparé, présentant ainsi un trajet fort sinueux que l’on n’a pas l’habitude de rencontrer sur le réseau autoroutier de ce pays. Ne nous étonnons donc pas que cette section de l’ancienne ligne ait complètement disparu, à un détail près: l’étroit talus séparant le chemin de fer de feu l’entreprise ‘Déchets de Verviers’ et qui marquait la limite de l'exploitation de l'après-guerre existe toujours. On serait même tenté de croire qu'à cet endroit un des flancs de la plate-forme ferroviaire aurait ainsi survécu à la curée.
Sur la vue de gauche on reconnaîtra sans peine l'établissement des 'Déchets de Verviers', terminus de la ligne après la guerre, ainsi que la plate-forme abandonnée vers Chaineux (photo Lamboray dans 'la ligne 38') - sur la vue de droite, derrière le panneau, on distingue l'étroit talus séparant jadis le chemin de fer et l'usine, où la voie se terminait sous le hangar de gauche (photo Georgy Lejeune, 1993)
Au-delà, c'était une succession de tranchées et de talus débarrassés de tout équipement ferroviaire. Près du hameau du Corbeau, de part et d'autre du vallon de Bonvoisin, un premier pont surplombait le Chemin des Morts, suivi d'un autre livrant passage à un chemin de campagne. Peu avant Chaineux, près du hameau de Houlteau, la ligne passait sous l'actuelle Rue du Bois - aujourd'hui en impasse – traversant une profonde tranchée où le passage supérieur, en bien piteux état, ne survécut pas non plus. Par contre, alors que ce site fit les frais de l'échangeur de Chaineux, la petite habitation voisine du pont existe toujours. |
Peu après, l'ouvrage enjambant la route de Battice précédait de peu la gare de Chaineux, sa voie d'évitement, sa cour et sa halle aux marchandises. Tout cela a succombé sous la poussée des bulldozers détruisant du coup quelques habitations voisines. Mais il reste toujours l’actuelle Rue des Charmes, qui n’est autre qu'un tronçon rescapé de l’ancien cul-de-sac menant jadis à la gare.
DE CHAINEUX À BATTICE
La gare de Chaineux (245 m) marque le début de la section la plus ardue de tout le parcours. C'est que, pour grimper jusqu'à la gare de Battice (320 m), à 2500 m à vol d'oiseau, le tracé ferroviaire décrit deux grandes boucles de près de 180° sur une distance totale de 4650 m, soit presque le double. Rien déjà que jusqu'au faîte de la Croix Polinard, à peu près à mi-chemin, la pente dépasse 20 pour mille, une des plus escarpées du réseau à cette époque.
Une bonne partie de ce tracé a heureusement échappé aux dévastations autoroutières des années 60 (voir plan ci-contre), même si, à quelques petits tronçons près, ce n'est que la section commune avec l'ancienne ligne 38 qui demeure librement accessible à ce jour. De Chaineux à la Croix Polinard
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Peu au-delà de la gare, la maisonnette du troisième passage à niveau de la ligne, celui près de Hauzeur, ne survécut guère. Pourtant le site existe encore, quoique méconnaissable, tout contre le talus de l’autoroute et la rigole d'écoulement à ses pieds.
Peine perdue de retaper la maisonnette du PN de Hauzeur (vers 1960, doc. 'Ligne 38'), elle ne survivra pas, même si le site existe toujours.
Par contre, la tranchée ferroviaire juste après l'ancien passage à niveau est toujours bien visible, surtout en morte saison, et cela sur près de 250 mètres. Un étroit sentier s'y faufile, entre le talus de gauche et une rigole bétonnée creusée dans la plate-forme elle-même, l’autoroute ayant ‘mangé’ l’autre talus. Au bout, la première boucle poursuivait sa lancée vers l’est mais se perd aujourd'hui sous l’échangeur de Battice, tout comme la tranchée près du hameau de Waucomont.
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Le pont en briques surplombant la tranchée à cet endroit - un des quatre passages supérieurs de la ligne - était identique à l'ouvrage près de la gare de Dison. Tout cela a hélas disparu, et ce n'est qu'au-delà du site de ce pont, englouti sous l'échangeur, que nous retrouvons l’ancien tracé, parfaitement intact et même goudronné comme chemin d’accès à un ensemble agricole qui s'est développé de part et d'autre de l'ancienne ligne.
Ci-contre, vue unique des années 50 du pont de Waucomont surplombant la tranchée ferroviaire déjà débarrassée de ses rails
(vue originaire du site Arvia documentant l'entité de Herve) |
Waucomont (Rosay) - vue depuis le site du pont disparu, c'est sur ce talus que la ligne poursuivait sa lancée vers la Croix Polinard (22 avril 2013)
Au-delà, passant sur la commune de Thimister, un haut remblai de 500 mètres, boisé et inaccessible, mais bien visible de loin, mène à une maisonnette d’origine ferroviaire n'ayant vraisemblablement pas eu d'autre rôle que de garder un passage entre prairies, et aujourd'hui quasi perdue dans la nature (vues panoramiques du 30 décembre 2013)
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Thimister (Croix Polinard) - ci-contre, le chemin d'accès à l'ancienne ligne et à la maisonnette, avec, à droite en contrebas, le début de la tranchée comblée précedant le tunnel disparu (22 avril 2013) |
Peu après, une large et profonde tranchée à flanc de coteau précédait jadis le Tunnel de la Croix Polinard creusé sous le faîte où passait la grand’route. En 1940 ce court tunnel (37 mètres) fut dynamité par la garnison du Fort de Battice afin d’entraver la progression des troupes ennemies. Après, on combla le trou pour rétablir le passage routier, mais l’ouvrage ne fut jamais reconstruit, scellant ainsi pour de bon le sort de la ligne. Relativement intacte dans les années 50, la tranchée d'approche se vit progressivement comblée avec des immondices et des déblais de toute sorte, côté sud. Aujourd'hui, seul son rebord ouest reste plus ou moins repérable (ci-après, vue aérienne et photo du 22 avril 2013).
De la Croix Polinard à Battice
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De l’autre côté du tunnel disparu, bien difficile de deviner l’endroit exact de l’ouvrage, la tranchée d'approche étant entièrement comblée, même si dans la prairie en contrebas le talus du court tronçon précédant l'ex-ligne 38 reste quasiment intact.
Thimister (Croix Polinard) - ce court talus, entre le tunnel disparu et l'ancienne ligne de Plombières, marque nettement le tracé de celle de Verviers (vues du 22 avril 2013 et du 11 avril 2017)
Ensuite, toujours sur Thimister, la ligne de Verviers rejoignait celle de Plombières. Perdu dans les broussailles, l'endroit exact reste néanmoins bien repérable (juste au-delà de la poubelle sur la vue ci-contre)(11 avril 2017). Or, comme les deux lignes ne se confondaient pas, il ne s'agissait pas vraiment d'une bifurcation dans le sens ferroviaire du terme. Et ce sont donc deux lignes parallèles qui se suivaient, côte à côte, sur près de 2 km, en rampe continue de 11 pour mille, traversant peu après les emprises du fort de Battice dont la construction, de part et d'autre des deux lignes, ne date que des années 30.
Bien que cette partie du tracé soit généralement attribuée à la seule ligne 38 (celle de Plombières), c'est bien la plate-forme de la 39A qui sert aujourd'hui de chemin de randonnée (vues ci-après). Juste retour des choses donc, puisque c'est la ligne de Verviers qui fut la première à être construite, celle de Plombières ne suivant que 15 ans plus tard! |
C'est la plate-forme d'origine (ligne de Verviers) qui sert aujourd'hui de chemin de randonnée (11 avril 2017), tout comme dans la traversée du Fort de Battice (10 février 2001). Sur les deux vues, prises vers Battice, la plate-forme d'origine de la ligne 38, envahie, se trouve à droite.
En sens contraire, près du passage à niveau de la route d'Aubel, on distingue les deux lignes interceptées durant les hostilités. A droite, un train spécial pour amateurs stationne au même endroit, le 24 mars 1973, la voie de Verviers (à droite de l'autorail) ayant disparu depuis bien longtemps.
Ce n'est que peu au-delà du passage à niveau de la route d'Aubel que les deux voies indépendantes ("banalisées", en jargon ferroviaire) se confondaient, dès l'entrée en gare de Battice, devenue gare terminus de la ligne de Verviers au lendemain du premier conflit mondial. Battice était avant tout un important point de chargement de bétail, situé en plein coeur du Pays de Herve et toujours très animé les jours de foire. Hélas, la gare a été démolie en 1976, peu après celle de Dison, et les voies de la ligne 38 enlevées en 1990. Aujourd’hui, une végétation éparse et des aménagements divers rendent le site difficilement reconnaissable comme tel. Triste fin pour une gare jadis si active et prospère.
Hormis le secteur de l’échangeur routier, la section Chaineux-Battice est la mieux préservée de toute la ligne 39A, même s’il reste quelques points obscurs du côté de la Croix Polinard. Ainsi ce que l’on considère comme une maisonnette de garde-barrières, mais sans passage à niveau digne de ce nom sur un chemin quelconque à cet endroit – tout au plus une traversée entre prairies voisines. Maison de garde pour le tunnel tout proche, comme nous gageons pour la deuxième maisonnette du Val Fassotte? Et puis ce fameux tunnel sur Thimister, parfois nommé à tort ‘tunnel de Battice’, et que certains considèrent comme un simple passage (pont) sous la grand’route. Hormis celui de Kumtich, ce fut à notre connaissance le premier ouvrage souterrain du pays à disparaître complètement. Même si c’est en vain que nous en avons cherché une effigie, nul doute qu’il était prévu pour la double voie (qui ne viendra jamais), à l’instar des trois autres sur la ligne. Quoi qu'il en soit, et hormis sa largeur, la topographie du site correspond fort bien à celle de Merkhof, dont nous utilisons le décor pour cette reconstitution (collage). Enfin, Battice étant le terminus 'officiel' de la ligne 39A, à Verviers celle-ci était plutôt connue comme “la ligne de Herve”, de plus que certains trains continuaient vers cette dernière et même au-delà, comme à ses débuts, lorsqu’elle ne formait qu’un seul itinéraire avec celle vers Liège.
39A, 38A ou 37A?
C'est la question qui nous revient plus d'une fois. S’il est vrai que nous n'avons pas laissé grand-chose au hasard quant au tracé exact, les ouvrages d'art disparus, ni même certaines dénominations, il en va de même pour le numéro officiel de cette ligne, bien que nous nous réalisons que 39A n'entre pas dans la logique des numérotations, du fait qu’elle est géographiquement bien éloignée de la 39 (ou ce qu'il en reste actuellement). Sachez d’abord que dans les années 20, la ligne Chênée-Plombières, que nous connaissons comme la 38, portait bien le n°39 - et dans son sillage son annexe Verviers-Battice le n° 39B, devenu par après 39A. Nous ignorons pourquoi au début des années 30 cette ligne 39 fut renumérotée 38, si ce n’est pour une question administrative. Toujours est-il que Verviers-Battice, déjà tombée en disgrâce à cette époque et apparemment 'oubliée', garda le n°39A, jusqu'à la guerre de 40. Vous en trouverez la preuve ci-contre, sur la copie d'un document officiel datant de mars 1940, quelques mois avant le déclenchement des hostilités. Sans oublier la réédition PFT de Indicateur SNCB de 1935, où vous la trouverez sans peine sous le numéro 39A (voir plan partiel du réseau ci-contre). Quoi qu'il en soit, au lendemain du conflit, la ligne étant détruite à hauteur du fort de Battice, on ne se donna pas la peine de la rétablir. Mais comme il fallait continuer de desservir l'usine de conditionnement de déchets lainiers à Dison, le trafic marchandises fut maintenu entre cette localité et Verviers-Ouest sous le numéro 37A, comme annexe de la 37 - pratique courante à la SNCB pour les sections subsistantes de lignes supprimées officiellement. On peut imaginer que certains, dans l'ignorance de cet état de fait, n'ont pas trouvé mieux que de lui donner le n°38A, ce qui semble logique, les deux formant à leurs débuts une seule ligne Liège-Battice-Verviers. Mais l'histoire a ses droits, elle aussi. Ainsi, le numéro 37A d'après-guerre que l’on trouve parfois pour la ligne en entier, est plus d'une fois attribué abusivement pour une situation spécifique d'avant-guerre. Sachez encore qu'au lendemain de la guerre, c'est la petite ligne Moresnet-La Calamine qui hérita du n°39A devenu orphelin. Quant au n°38A - attribué en 1935 à une ligne... de bus (ci-contre), ce fut après-guerre le numéro officiel de la ligne charbonnière vers les Xhawirs, greffée sur la 38, bien-sûr - le numéro 38B que l’on trouve parfois étant pour le moins fantaisiste. |
EPILOGUE
Lorsque fin 2015 nous lancions le dossier de ce tracé ferroviaire “quasiment disparu”, nous ne pouvions soupçonner à quoi finalement cela nous mènerait. Pourtant, plus d'un aura haussé les épaules en pensant 'à quoi bon?' Mais les quelques trouvailles qui furent les nôtres lors de cette reconstitution des plus passionnantes, surtout l'hiver 2015-2016, nous ont gratifié d'un résultat inespéré. Depuis, notre participation à l'exposition de 2017 sur la ligne Verviers-Battice, en l'église St-Fiacre de Dison, nous a permis d'éclaircir plusieurs points obscurs, grâce aux nombreux documents rassemblés à cet effet.
Néanmoins, les quelques reconstitutions, basées sur des données très fiables, gardent tout leur sens tant que des documents plus précis n'auront pas fait surface. En tout cas, nous ne manquerons pas de rectifier le tir chaque fois que nous pourrons mettre la main sur de nouveaux éléments sur ce tracé en grande partie disparu depuis un bon demi-siècle déjà.
Lorsque fin 2015 nous lancions le dossier de ce tracé ferroviaire “quasiment disparu”, nous ne pouvions soupçonner à quoi finalement cela nous mènerait. Pourtant, plus d'un aura haussé les épaules en pensant 'à quoi bon?' Mais les quelques trouvailles qui furent les nôtres lors de cette reconstitution des plus passionnantes, surtout l'hiver 2015-2016, nous ont gratifié d'un résultat inespéré. Depuis, notre participation à l'exposition de 2017 sur la ligne Verviers-Battice, en l'église St-Fiacre de Dison, nous a permis d'éclaircir plusieurs points obscurs, grâce aux nombreux documents rassemblés à cet effet.
Néanmoins, les quelques reconstitutions, basées sur des données très fiables, gardent tout leur sens tant que des documents plus précis n'auront pas fait surface. En tout cas, nous ne manquerons pas de rectifier le tir chaque fois que nous pourrons mettre la main sur de nouveaux éléments sur ce tracé en grande partie disparu depuis un bon demi-siècle déjà.
Ouvrages consultés
* Georgy Lejeune & Didier Funken: LA LIGNE 38 (Battice, 2006)
* ENTRE-VOIES nr.167 & 191 (2010 & 2014) (périodique d'information du Club Ferroviaire de l'Est de la Belgique)
* Diverses cartes topographiques anciennes et plus récentes de l'IGM (aujourd'hui IGN)
* Recherches sur place à diverses époques
Les photos sans mention d'auteur proviennent de reproductions d'anciennes cartes postales.
* Georgy Lejeune & Didier Funken: LA LIGNE 38 (Battice, 2006)
* ENTRE-VOIES nr.167 & 191 (2010 & 2014) (périodique d'information du Club Ferroviaire de l'Est de la Belgique)
* Diverses cartes topographiques anciennes et plus récentes de l'IGM (aujourd'hui IGN)
* Recherches sur place à diverses époques
Les photos sans mention d'auteur proviennent de reproductions d'anciennes cartes postales.
mis à jour: 19-5-2022
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